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Vous avez vu dans quelque salle basse de ferme, à la campagne ou à Paris, dans quelque mansarde, le diplôme encadré comme une image sainte. C’est tout l’ornement de l’indigent réduit ; cela dit l’humble gloire du maître, cela coûta de longs services rendus à la patrie, beaucoup de veilles ou beaucoup de sang ; cela raconte parfois, une noble action, parfois un trait d’héroïsme. Pour une fortune, les bonnes gens qui manquent de tout ne vendraient pas ce brevet-là.

Le brassard ciselé, objet d’art délicat et précieux, n’était pas une relique d’orgueilleuse magnificence ; c’était un témoignage comme le brevet qui parle d’honneur.

M. Bancelle, avant de quitter Caen pour toujours, avait épuisé ses dernières ressources pour se procurer ce brassard, éloquence muette qui plaidait la cause de toute sa vie et constatait la force majeure, instrument de sa ruine.

C’était là, sous l’enveloppe transparente, la foudre même qui l’avait terrassé.

M. Bancelle, au moment de sa chute, avait quatre beaux enfants, une femme encore jeune et bien aimée, une vieille mère et une sœur dont il était la providence. Tout ce monde-là tint conseil ; et il fut décidé qu’on travaillerait chaque heure de chaque jour pour payer cette lourde dette que le sort mettait à la charge de la famille. C’étaient d’honnêtes gens. L’honneur commercial dont on a fait trop de bruit, depuis que le commerce est notre maître, a certes sa grandeur. Il faut l’admettre sans l’exagérer et payer justement le respect qui est dû à ce culte austère du devoir.

M. Bancelle et sa famille vinrent à Paris ; il quitta son nom qui avait été une noblesse et prit celui de sa mère pour entamer une lutte vaillante, mais ingrate. Mme Bancelle, qui était enceinte à l’heure de la catas-