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Dès qu’André fut résigné à l’explication qu’il eût voulu éviter, il la fit courte, nette et si frappante, que la jeune femme resta atterrée sous la même certitude que lui. Cette certitude, il est vrai, n’était fondée que sur des présomptions assez subtiles ; mais elles se coordonnaient et s’étayaient les unes les autres jusqu’à former une masse solide. Ce sens, qui tourne au roman les histoires judiciaires, est singulièrement développé chez nous ; à chaque procès un peu frappant, il y a des milliers de juges d’instruction, repassant, dans leur cabinet ou dans leur taudis, la partie qui se joue au Palais. On peut dire sans exagération que l’idée des erreurs possibles est entrée trop largement dans nos mœurs. Souvenons-nous que pendant deux cents soirées consécutives, dans un de nos théâtres, quinze cents spectateurs ont révisé récemment ce fatal procès Lesurques.

Julie Maynotte était au-dessus de son état comme André lui-même et peut-être plus qu’André. Lorsque André eut terminé son court plaidoyer, véritable et prophétique résumé du réquisitoire qui devait être prononcé contre lui, Julie resta muette.

« Hier soir, murmura-t-elle enfin, quand nous avons entendu ce bruit dans le magasin, on volait le brassard. J’en suis sûre ! »

Puis elle ajouta :

« Le commissaire de police rentrait comme nous sortions ; ce n’était pas l’heure de sortir. M. Bancelle s’était vanté près de toi d’avoir quatre cent mille francs en caisse. Le père Bertrand t’a vu compter tes billets de banque, et je lui ai donné à boire… »

Elle mit sa tête entre ses mains d’un air découragé.

Puis, tout à coup révoltée :

« Qu’importe tout cela puisque tu es innocent ! » s’écria-t-elle.