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« Nous sommes sauvés ! » lui dit André, qui souriait paisiblement.

Julie demanda :

« Qu’as-tu fait ?… Qu’as-tu donc fait ? »

Car il fallait une cause à cette fuite étrange.

« Nous sommes sauvés, répéta le jeune ciseleur. Je suis heureux et je t’aime. »

Ses lèvres effleurèrent le front de Julie, qui frissonna et demanda :

« Où me mènes-tu ? »

André souriait toujours.

À un endroit où la route était solitaire, il tourna brusquement la tête de Black et prit un chemin de traverse sur la gauche.

Au bout d’un millier de pas, il tourna pour la seconde fois, sur la gauche encore ; et pendant toute une demi-heure, il alla ainsi, de sentier en sentier, tournant partout où la légère voiture pouvait passer. Black se faisait du bon sang maintenant et trottait à son aise.

« Qu’espères-tu ? » interrogeait cependant Julie.

Elle ajoutait, croyant qu’il s’agissait de tromper définitivement une poursuite :

« C’est un jeu d’enfant ! on se cache un jour, deux jours…

— Je ne veux pas me cacher plus d’un jour, » répliqua André.

Sa route en zig-zag était finie. Il commença à se diriger vers l’est d’après le soleil. Deux heures après le départ de Caen, à peu près, il retrouva l’Orne, qu’il traversa au bac de Feugerolles, après quoi il franchit le grand chemin d’Alençon, puis celui de Falaise, aux environs de Roquencourt.

À cette heure et non loin de là, il aurait pu rencon-