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pas pour courir sus au voleur, mais pour assiéger le logis du volé.

La maison Bancelle faisait des affaires avec tout le commerce campagnard. Son chef avait bien fait de perdre la tête d’avance : c’était jour de payements ; l’armée de ses créanciers parlait déjà de le vendre au poids. Nous ne plaisantons pas en Basse-Normandie ! Quand la foudre brûle un de nos débiteurs, tête-bleu ! nous lavons les cendres pour y retrouver un brin de notre argent !

Ce M. Bancelle était si riche ! On l’avait envié si fort ! Ne roulait-il pas carrosse ? Et cette caisse venue de Paris ! Que peut-on apporter de Paris, sinon des pièges ? Il était coupable : on ne doit pas se laisser voler !

Mais, heureusement pour vous, lecteur, notre récit court en ce moment la poste et nous n’avons pas le loisir de mettre sous vos yeux les obscènes colères des créanciers bas-normands. Nous dirons seulement que la charité publique appliqua, ce jour-là même, plusieurs centaines de protêts sur les blessures de ce pauvre cadavre commercial qui gisait écrasé par un coup de massue.

André Maynotte avait traversé toute la ville et franchi l’Orne au pont de Vaucelles. Black galopait sur la route de Vire. Il faisait beau ; le bon cheval aspirait les fraîcheurs du matin et brûlait le chemin gaiement. Au sortir de Caen, la route, sablée de rouge, file en ligne courbe vers l’ouest à travers les jardins et gravit la pente douce d’un coteau. André, qui réchauffait Julie contre son cœur, était en proie à une exaltation joyeuse ; il se sentait inattaquable. Quand il se retourna au sommet de la côte et qu’il vit au loin, dans un nuage de poussière, une escouade de cavaliers acharnés