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tait en réquisition les chevaux du loueur et montait ses agents avant d’envoyer des ordres à la gendarmerie, André avait tourné l’angle des Acacias et prenait au grand galop la rue Guillaume-le-Conquérant. La clameur de haro le suivait, mais déjà moins distincte. Les passants, étonnés, mais paisibles, se bornaient à regarder ce tourbillon qui passait. Black s’en donnait à cœur joie ; les roues du tilbury bondissaient sur le pavé.

Quand le léger attelage déboucha sur la place Fontenelle où se tient le marché, on n’entendait plus derrière lui qu’une rumeur lointaine. André ralentit le pas, car il avait à ménager son cheval. Ceux qui le rencontraient désormais s’étonnaient bien un peu de voir cette blanche tête de femme sur son épaule ; mais chacun mène, en Basse-Normandie, son ménage comme il l’entend, et la perversité des cinquante séducteurs, tant civils que militaires, avait peut-être fini par indisposer M. Maynotte.

« Bonjour, monsieur Maynotte. »

Il y en eut plus de vingt pour le saluer ainsi poliment, sans autrement s’occuper de la jeune femme.

Et l’un des cinquante don Juan, plus matinal que les autres, tira son chapeau, songeant déjà aux moyens à prendre pour se faire dire par plus idiot que lui : « C’est vous, mauvais sujet, qui êtes cause de tout cela ! »

Cinq minutes après, les agents à cheval passèrent, puis vint la gendarmerie. Ah ! si nous avions su ! s’écrièrent tous ces Normands valeureux. Ah ! le coquin l’a échappé belle !

Mais comment deviner ? Nul ne savait que la caisse du banquier Bancelle avait été dévalisée. Quand tout le monde le sut, il se forma une imposante cohue, non