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André la laissa seule une seconde fois pour entrer dans la resserre. Le palefrenier attelait Black au tilbury.

« Salut, monsieur Maynotte, dit-il en le voyant à la fenêtre. Il y a du nouveau en ville, savez-vous ? Les mouches sont autour de la maison et ne veulent pas dire de quoi il retourne. Vous êtes tout pâlot, ce matin, savez-vous ?

— Une belle bête, fit André en examinant Black.

— Pour la beauté, répliqua le palefrenier, j’aime mieux nos normands, sans compliments. C’est plus dodu, oui, à la croupe comme au poitrail ; mais pour le fond et la vitesse, ah dam !… Tiens voilà encore deux argousins qui montent chez le commissaire ! Il y a du nouveau, pour sûr ! »

André jeta un regard dans la chambre à coucher. Julie était agenouillée auprès du berceau de l’enfant.

« Vous me direz, continuait le palefrenier bavard, que ça ne nous regarde pas, c’est certain. Mais on aime savoir, pas vrai ?

— Es-tu prête ? » demanda André à voix basse.

Au lieu de répondre, Julie, qui était maintenant froide et pâle comme André lui-même, interrogea ainsi :

« Est-ce pour moi ou pour toi qu’il faut partir ?

— Pour moi, » répliqua André.

Elle se mit sur ses pieds et prononça résolument :

« Je suis prête. »

Puis elle ajouta comme si un élancement de conscience l’eût blessée :

« Suis-je punie parce que j’ai tant souhaité Paris ! »

André ferma la valise et la poussa dans la resserre jusqu’au pied de la croisée. Il mit dans les poches de sa redingote ses pistolets, son portefeuille et une casquette de voyage.