Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome I.djvu/82

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

André avait tressailli au premier mot ; maintenant, il réfléchissait.

Julie, qui ne l’avait jamais vu ainsi, passait la robe qui pendait au pied de son lit.

« Pas celle-là ! » ordonna André d’un ton brusque.

D’ordinaire, tout est prétexte à causerie entre deux amants, et c’étaient dans toute la forme du terme deux amants. Entre eux, les moindres déterminations comme les plus importantes se prenaient en commun, après conseil tenu, ce qui est un des meilleurs plaisirs du ménage. D’ordinaire, on peut le dire, André ne discutait que pour connaître plus à fond le désir de Julie et pour s’y conformer mieux.

Qu’y avait-il donc aujourd’hui ! Julie laissa tomber sa petite robe d’indienne pour demander, d’un accent interdit, maie presque irrité :

« Laquelle ?

— Ta robe des dimanches, » répondit André.

En même temps, il passait rapidement son pantalon et sa redingote.

« C’est comme si un mal te prenait, » murmura la jeune femme, qui eut les larmes aux yeux.

André ne répondit pas. Il essaya de sourire en passant les manches de son vêtement, et cela fit ressortir davantage l’effrayante pâleur de ses traits ; il voulut chanter aussi, mais sa voix s’étrangla, rauque, dans sa gorge.

« Est-ce que tu vas me renvoyer, André ? balbutia Julie, car on pouvait tout craindre de ce fou livide, dont les yeux extravaguaient.

— Non, » répondit André qui haussa les épaules.

Loin de rassurer la jeune femme, ce monosyllabe glacé la brisa davantage. Elle ne dit plus rien et atteignit sa robe des dimanches.