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Mais que faisait là le brassard ? C’était la seconde fois qu’on parlait du brassard, là haut, chez le commissaire de police.

Quel brassard ? Il y avait silence à l’étage au-dessus.

La fièvre d’André creusait son cerveau. Quel brassard ? On s’était donc servi d’un brassard ?

Le sien était là, dans son magasin, en montre, comme toujours. Machinalement, il se dirigea de ce côté. En passant auprès du lit de sa femme, il joignit les mains et sa prière monta vers Dieu comme celle d’un enfant qui ne sait pas expliquer sa terreur nocturne. Il entra dans le magasin et poussa un gémissement étouffé ; l’instant après, il revint, appuyant son pas chancelant aux meubles et à la muraille. Sa joue était livide, ses yeux s’éteignaient ; des convulsions faibles contractaient sa bouche.

« On l’a volé ! murmura-t-il, comme s’il eût confié ce fatal secret à quelque être invisible. On m’a volé le brassard ! »

En ce moment ; le commissaire disait :

« C’est Bertrand, l’allumeur de réverbères.

— A-t-il vu quelque chose, demanda sa femme avidement.

— Il les a vus, répliqua le commissaire, dont la voix dénotait une véritable émotion, à minuit, sur le banc qui est là-bas à l’autre bout de la place. Ils parlaient de la caisse de M. Bancelle, où il y avait, disaient-ils, plus de quatre cent mille francs, et ils comptaient des billets de banque. »

André se laissa tomber sur ses deux genoux en rendant un râle sourd ; le choc de sa tête éveilla Julie qui, souriante et les yeux fermés à demi, lui jeta ses bras autour du cou.