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souriait. Il s’arrêta. Une angoisse nouvelle l’étreignit : elle aussi était accusée !

Elle, c’était son cœur. Il n’avait jamais senti comme à cette heure à quel point il l’adorait. Ses épouvantes revinrent et le terrassèrent. Un éblouissement lui montra la prison, l’audience, que sais-je ? Il vit la foule autour du banc des accusés ; il entendit cette voix dure, orgueilleuse, implacable… Écoutez ! Il se trompait. Telle n’est pas chez nous la voix de la justice, et les avocats de notre société qui portent ce beau nom de ministère public, ne cherchent qu’à bien faire. Il se trompait, c’est acquis. Nos juges, dont nul ne suspecte la haute équité, ont en même temps la bienveillance et la prudence ; notre parquet, à regret sévère, ne franchit jamais certaines bornes, posées d’un commun accord par la civilisation et par la religion. Dans ces sphères si élevées, le vent des passions humaines ne souffle pas. Il se trompait, mais il tremblait, lui qui était, nous le verrons bien, ferme et fort.

« Il est comme fou, ce pauvre Bancelle, reprenait en ce moment la voix étrangère. Il a sa tête dans ses mains et va répétant : « C’est moi, c’est moi, c’est moi qui lui ai donné l’idée du brassard ! »

— Il faudrait les arrêter tout de suite, dit Mme Schwartz.

— La maison est cernée, » répondit le commissaire.

C’est à peine si André fit attention à ces deux dernières répliques, si menaçantes pourtant et qui exprimaient si violemment le péril de la situation. Il n’avait entendu qu’une chose : M. Bancelle allait répétant : « C’est moi qui lui ai donné l’idée du brassard ! »

À lui, André. Nous savons qu’il avait été question du brassard, la veille, entre le banquier et le jeune ciseleur.