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Il eut froid dans les veines. Était-ce pitié pour le malheur d’un homme ? André Maynotte était un brave et généreux cœur, mais ce ne fut pas pitié.

On ne sait comment exprimer ces choses : ce fut de la peur. Et pourquoi ?

Encore une fois, pourquoi ce jeune homme, qui était l’honneur même, eut-il peur en devinant que la caisse du riche banquier Bancelle venait d’être forcée et vidée ?

Les faits de pressentiments ne sont pas rares. Nous n’avons pas à en rechercher les causes, physiologiques ou morales. Le phénomène est hors de doute : chacun de ceux qui nous lisent a pu le constater. Les grands chocs ont de mystérieux avant-coureurs, comme les grandes maladies sont annoncées par leurs prodromes.

André Maynotte avait un poids de plomb sur le cœur.

Dans la chambre a coucher, il crut entendre encore ces gémissements qui naguère l’avaient éveillé. Il se traîna, défaillant, jusqu’à la porte. L’enfant reposait paisiblement ; la jeune mère, appuyant sur son bras nu les boucles éparses de ses magnifiques cheveux, dormait aussi, tranquille et belle comme une sainte.

André tendit ses mains vers ces deux êtres si chers. Il était pâle et il tremblait.

Certaine littérature, où il y a du mauvais et du bon, a fait, depuis lors, concurrence aux émotions des procès criminels. En 1825, les drames de la Cour d’assises n’avaient de rivaux qu’au théâtre, et le roman-feuilleton, cette puissance que de maladroits moralistes affectent de rabaisser au lieu de l’utiliser, était encore à naître.

Les histoires de tribunaux faisaient trou dans la mémoire populaire plus violemment qu’aujourd’hui, ce