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sances, il n’y avait rien, sa conscience le lui affirmait, qui pût être dit contre lui.

Pourquoi frappé, alors, lui qui était tout jeune, lui qui dédaignait trop, peut-être, les petits hommes et les petites choses, lui qui était étranger dans la ville de Caen, lui qui se préparait à la quitter bientôt pour toujours ?

Il écouta, son nom prononcé l’y autorisait ; il écouta, guettant le retour de son nom.

L’ouvrier venait de rentrer après avoir achevé sa besogne. On se taisait maintenant à l’étage supérieur. Quand on se reprit à parler, la conversation avait tourné, sans doute, car les mots prononcés ne pouvaient plus s’appliquer à André. L’air était frais ; sa fantaisie d’écouteur ne le tenait guère ; il allait regagner son lit, lorsque cette phrase tomba, prononcée à voix basse :

« Je vous dis qu’il est ruiné ! mais ruiné roide ! Il parle de se brûler la cervelle ! »

André hésita. Ce n’était pas la voix du commissaire, non plus celle d’Éliacin, l’Alsacien blond. L’hésitation d’André devait durer juste le temps de faire cette réflexion, qu’il n’avait pas le droit de surprendre certains secrets. Il n’en eut pas le loisir. Le commissaire reprit avec une sorte de colère :

« Vous répandez de mauvais bruits. Tout cela retombe sur nous. Un homme pareil n’a jamais en caisse que l’argent de ses échéances. »

La voix inconnue répliqua distinctement :

« Il avait en caisse plus de quatre cent mille francs en billets de banque. »

André tressaillit de la tête aux pieds. Ce chiffre tout seul lui contait une histoire entière. M. Bancelle lui avait justement dit, la veille, que sa caisse contenait plus de quatre cent mille francs.