Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome I.djvu/68

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mme Schwartz, en peignoir d’indienne, allait et venait dans la maison, écoutant à la serrure de son mari et en proie à une véritable fièvre de curiosité. Éliacin était entré au bureau et n’en ressortait point. Il y avait quelque chose de grave.

André avait passé une nuit sans repos. Il s’étonnait lui-même du trouble qui le prenait au moment d’entrer dans sa voie nouvelle. C’était une nature résolue ; il avait pesé mûrement ses chances de succès : pourquoi donc cette agitation inquiète ?

Julie dormait près de lui et semblait sourire à un rêve.

Bien des fois, depuis que la lueur du crépuscule s’était glissée dans la chambrette, André, soulevé sur le coude, avait promené son regard de la beauté sereine de sa jeune femme à l’angélique gentillesse de l’enfant, cachant à demi sa tête blonde derrière les rideaux du berceau.

Il se sentait heureux pleinement, trop heureux, pourrait-on dire, cela l’effrayait. Au moment d’entamer la grande partie, tant l’idée du tyran de Samos est humaine, il avait souhaité un nuage à son ciel.

Le sommeil le prit enfin, tandis qu’il cherchait à l’horizon quelque chose qui ressemblât à une peine. Il ne savait pas qu’il dormait. Il voyait Julie après la bataille gagnée, Julie toujours plus belle, enchâssée dans ce splendide écrin de la femme : la richesse. Comme la richesse lui allait bien ! Comme elle était chez elle dans cet éblouissant milieu ! Comme elle parait les parures et comme elle fleurissait les fleurs ! Avait-elle jamais été autrement ? Se pouvait-il qu’elle eût vécu un jour seulement hors de la noblesse opulente, sa patrie ?

Il fut éveillé en sursaut par un gémissement. C’était Julie qui se plaignait, étouffée sous un cauchemar. Un