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paupières closes, un pleur glissa. Bonne âme ! Il jeta la terre à mains pleines et convulsives ; le trou fut bouché.

Curtius, quand il se dévoua aux dieux infernaux, avait l’amour de la patrie qui entraîne comme un vertige ; Decius Mus, après lui, son fils et son petit-fils, étaient tout brûlants de la fièvre des batailles. La foule les entourait, les acclamait, les enivrait.

J.-B. Schwartz était tout seul, dans un chemin creux.

Il s’assit auprès de ce gouffre où il venait d’enfouir plus que sa vie. Il avait faim et soif, mais qu’est-ce que cela ? Il ne pouvait pas s’en aller. Un invisible clou le rivait à ce sol où reposait son âme.

Vous le savez bien ; on vous l’a déjà dit. Ce n’était pas un billet de mille francs qui était là : c’était une graine de million.

Ces graines-là, à la différence des autres, ne doivent point être mises en terre.

J.-B. Schwartz s’amusa à disposer un petit tertre de gazon au-dessus du cher tombeau. Puis, chose bien naturelle et qui fut pratiquée par divers amants célèbres, l’idée vint de violer la sépulture afin de donner un dernier baiser à son cœur.

Subsidiairement, peut-être, avait-il obtenu des farouches rigueurs de sa conscience la permission de prendre un peu d’argent blanc pour souper, ce soir, et coucher, cette nuit, dans un lit.

Il gratta la terre. Un marteau battait sa tête chaude et criait en dedans de son front : « Ce Lecoq est un homme à bonnes fortunes. »

D’autres voix insinuantes lui disaient : « Ne laisse pas dormir un capital. Voilà le vrai crime. »

D’autres encore : « Tu seras quitte pour restituer, si tu découvres un jour… »

Que ne peut-on embrasser une voix ! Celle-là est