Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome I.djvu/59

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il arrêta court la voiture et J.-B. Schwartz mit pied à terre avec un manifeste empressement.

« Jean-Baptiste, reprit M. Lecoq non sans une sorte de courtoisie, je suis content de vous. Peut-être que nous nous reverrons. Vous êtes un mâle, bonhomme, à votre façon, c’est certain. Vous m’avez rendu un service de mille francs, je ne suis pas dans le cas de vous rien devoir : voici vos mille francs, nous sommes quittes. »

Comme le jeune Schwartz, debout et immobile près de la voiture, ne tendait point la main, il lâcha le billet de banque, qui tomba à terre après avoir voltigé.

« C’est bon, poursuivit-il, retrouvant un mouvement d’ironie, on le ramassera quand je vais être parti. On est dans une position délicate… honnête, ça ne fait pas de doute… Mais on a menti au commissaire de police… et, si les choses tournaient mal, on recevrait une invitation portée par les gendarmes. »

La colère s’alluma dans les yeux de Schwartz ; M. Lecoq continua en riant :

« Je ne suis pas méchant : il y a un mari, Jean-Baptiste. Voici l’ordre et la marche, mon garçon : allez votre chemin tout droit sans vous retourner, c’est le moyen de ne pas voir ce qui se passe par derrière. Vous savez le proverbe, hé ? Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Bouchez-vous les oreilles pour avoir l’esprit en repos. Si vous êtes sage, vous vous direz : j’ai fait un rêve mignon, et vous tripoterez votre petit argent comme un ange. Si vous n’êtes pas sage, vous aurez d’un côté le parquet, de l’autre moi et mes copins qui ont étudié avec moi, je vous en préviens, à un drôle de collège. Tu as deux cordes au cou, Jean-Baptiste, hé ! À l’avantage ! »

Il toucha son cheval qui rua gaiement, mais il se ravisa et le tint en bride pour ajouter :