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Encore nos maîtres en philosophie arithmétique s’indignent-ils contre le Code et ses pauvres austérités. Gêner le bon plaisir de l’or, si respectueusement que ce soit, c’est blasphémer un dieu, le dernier dieu, le seul dieu qui ait un peu d’avenir désormais ! Si l’usure est bonne une fois, pourquoi en proscrire l’habitude ? Le bien, érigé en coutume, n’en vaut que mieux, ce nous semble. J.-B. Schwartz se vit un instant philanthrope à la petite semaine, activer les transactions des Innocents. Grâce à l’intérêt modeste de ces mouvements de fonds populaires, cent francs deviennent aisément mille écus en douze mois ; en douze autres mois, mille écus, bien employés, peuvent donner une cinquantaine de mille francs, pertes comprises. Alors on quitte le Carreau, parce que la spéculation, ici, ne peut pas franchir certaines limites ; on aborde l’escompte pour le petit commerce : vaste champ où chaque sou, coupé en quatre, donne ses fruits et ses fleurs.

Mettons dix ans d’escompte mercière. Le million a noué, grossi, mûri : on le cueille. Et c’est une gracieuse chose que l’entrée dans le monde du million ignoré, tout frais, tout jeune, ayant encore le duvet de la pêche.

Or, comment allons-nous manœuvrer notre million dans les hautes sphères de l’industrie fashionable ? Nous sommes loin des piliers des Innocents ; la petite boutique nous inspire un juste dédain. Édifions-nous une compagnie d’assurance ? Chauffons-nous le bitume ? Dépeçons-nous les vieux manoirs ? Forgeons-nous cent lieues de rails, ou tout uniment accaparons-nous des sacs de farine ? Les idées les plus naïves sont souvent les meilleures. On pourrait, rien qu’à faire du vin avec des pelures de pommes…

Mais ce Lecoq n’était pas fou ! Mais pour avoir le million, il fallait les cinquante mille francs, pour les