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Quelques minutes après, Coquet, qui n’était, lui, ni plus ni moins fier qu’auparavant, galopait sur la grande route. À une demi-lieue de là, M. Lecoq mit pied à terre. La nuit était encore épaisse, bien que l’orient prît déjà cette teinte grise qui annonce l’aube. Il y avait à gauche du chemin une ferme où tout dormait. M. Lecoq attacha une pierre à sa culotte de cotonnade bleue, roulée en paquet ; il franchit la murette de la cour et jeta son paquet dans le puits.

Quand il eut accompli ce dernier soin et que Coquet reprit le galop, M. Lecoq siffla, ma foi, un air de vaudeville, en dénouant son fameux foulard.

J.-B. Schwartz aussi suivait ce même chemin, à pied et livré à des réflexions mélancoliques. Il songeait à ses cent francs et remettait en prose la fable du pot au lait de Perrette. De temps en temps, le pot au lait se cassait au choc d’une pensée triste : ce mauvais plaisant de Lecoq s’était peut-être moqué de lui. Les voyageurs du commerce pratiquent la mystification avec frénésie pour conter ensuite leurs exploits à table d’hôte. Cent francs, rien que pour éviter les suites d’un rendez-vous galant ! Il y a bien des grands seigneurs qui ne couvrent pas si fastueusement leurs équipées !

Mais le pot au lait de Perrette, une fois cassé, adieu le rêve ! J.-B. Schwartz avait beau casser le sien, le rêve revenait toujours. Cent francs ! quel commerce allait-il établir ! Cent francs comptant ! Il se sentait monter au cerveau la sereine fierté des capitalistes.

En quittant son homonyme, le commissaire de police, J.-B. Schwartz avait flâné un petit peu le long des rues désertes. Il avait même regardé l’Orne qui passait sous le pont, poursuivant sa route vers la mer. Ainsi fait la monnaie, disséminée dans les pauvres bourses ; elle va