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André se tournait et se retournait entre ses draps brûlants. Il avait le cœur serré. Il souffrait.

C’était un caractère doux, simple et tendre, mais c’était une intelligence d’élite. Sa vie, jusqu’alors, n’avait point manqué d’aventures, car il venait de loin et il avait fallu tout un roman sombre et mystérieux pour mettre dans ses bras d’artisan la fille déshéritée d’une noble race ; mais ce roman s’était noué en quelque sorte au gré de la destinée. André et Julie avaient dans leur passé d’étranges périls, évités par la grâce de Dieu, mais point de combats. André en était encore à éprouver sa force.

À de certaines heures seulement, il avait conscience de l’énergie indomptable qui était en lui à l’état latent et qu’aucun danger suprême n’avait encore sollicitée

Alors, il se redressait dans sa puissance inconnue, croyant rêver ; il défiait l’avenir, il appelait la bataille, car toute victoire a des couronnes, et il eût voulu des milliers de couronnes sur le front adoré de sa Julie.

C’était un de ces instants. André rêvait de luttes futures et s’étonnait du mystérieux besoin qu’il avait de bondir dans l’arène.

Deux heures sonnant, un homme traversa le pont de Vaucelles et s’arrêta au milieu, jetant un regard rapide devant et derrière lui. Les alentours étaient déserts. L’homme dépouilla lestement une blouse grise qu’il portait, la roula avec son bonnet de laine rousse et lança le paquet dans la rivière, après y avoir attaché un fort caillou.

Puis, vêtu qu’il était d’un pantalon de cotonnade bleue, tête nue et en bras de chemise, il prit à travers champs sur la droite de la route d’Alençon. Il avait