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« C’est pourtant vrai, dit-elle, que le brassard vaut une clé pour ouvrir la caisse de M. Bancelle !

— Je me suis engagé sur parole à ne plus vendre de brassards, continua André, moyennant quoi il m’achètera le nôtre au prix de mille écus. Je le lui porterai dès demain matin, car il a grande hâte de jouer lui-même au voleur avec sa mécanique.

— Cela fait dix-huit mille francs, » supputa Julie.

André sortit de sa poche un portefeuille qu’il ouvrit et qui contenait quatorze billets de cinq cents francs.

Au moment où Julie se penchait pour les regarder, la nuit se fit subitement et un gros rire éclata derrière eux. C’était le père Bertrand, l’éteigneur de réverbères, qui leur jouait ce tour. Voyant de loin deux amoureux sur un banc à cette heure indue, le bonhomme s’était approché à pas de loup : un gai luron qui aimait plaisanter avec les bourgeois.

« Part à trois ! dit-il, si on casse la tirelire de M. Bancelle ! »

Comment se fâcher ? Et à quoi bon ? Le brave père Bertrand eut un verre de cidre, versé par la blanche main de Julie Maynotte, et tout le monde alla se mettre au lit.

Vingt-cinq mille francs ! Paris ! La voiture promise par les quatre as ! Notre Julie eut de beaux rêves.

Elle dormait à deux heures du matin ; et Caen tout entier faisait de même, y compris les cinquante don Juan. Mais André veillait : le sommeil appelé ne voulait pas venir.

Il est certain qu’une fièvre est dans l’air qu’on respire à ces moments solennels où notre vie subit une crise : soit qu’une grande catastrophe menace, soit qu’un bonheur inespéré frappe à la porte de notre maison.