Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome I.djvu/42

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Ça fait une vie d’arlequin ! On ne sait pas d’où ça tombe. À ta place, moi, je les surveillerais. »

Ils allaient tous les deux, André et Julie, les bras entrelacés, contents d’être seuls, sans crainte ni défiance ; ils allaient lentement, échangeant des paroles émues ; ils causaient de l’avenir que l’homme propose sans cesse et dont Dieu dispose toujours.


IV

Pot au lait.


Ce fut Julie, la curieuse, qui rompit le silence. Un rien met la puce à l’oreille de ces chères ambitieuses ; le temps de draper un châle ou de passer un fichu, les voilà parties pour le pays des rêves et en train déjà de bâtir le dernier étage d’un château en Espagne.

« Qu’as-tu donc à me dire, mon André ? demanda-t-elle.

— Bien peu de chose, chérie, répondit le jeune ciseleur, sinon que je suis en disposition d’esprit singulière. Et cela dure déjà depuis plusieurs jours. En travaillant, je songe. La nuit, je ne peux pas dormir.

— C’est comme moi, murmura Julie.

— Oui, comme toi… et c’est toi peut-être qui as commencé. »

Julie ne répliqua point.

« Nos cœurs sont si près l’un de l’autre, poursuivit André, qu’il y a entre eux contagion de pensée. Je ne crois pas que tu puisses former un désir sans que j’aie le besoin de le satisfaire… »