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dans un charme de plus. Nulle voix ne s’était élevée jamais pour l’accuser, et il semblait pourtant que les enthousiastes eussent envie de la défendre. On mettait à jour, quand on parlait d’elle, avec une sorte d’emphase, l’authenticité de sa fortune et l’évidence de sa position.

Il semblait, ce faisant, que chacun répondît à des calomnies qui tombaient des nuages.

M. Lecoq en usait à son égard avec cette paternelle familiarité particulière aux notaires et conseils des grandes maisons. Elle l’accueillait avec une douceur froide sous laquelle les observateurs croyaient deviner beaucoup de frayeur et beaucoup de haine.

Un mois après la visite nocturne que nous avons racontée, la maison Schwartz, en apparence tranquille, eût présenté à quelque clairvoyant observateur les symptômes suivants : une de ces platoniques liaisons qui jadis existaient, dit-on, de page à châtelaine, était née entre Mme Schwartz et notre beau Michel. Quelque chose de plus vif peut-être et de moins vertueux entraînait ce héros vers la comtesse Corona, qui était dans une veine éblouissante d’esprit et de beauté. Edmée Leber pâlissait et devenait triste. Le roman d’amour enfantin dont nous avons dit le naïf prologue, avait marché silencieusement. Une seule femme au monde rendait Michel timide : c’était Edmée. Il se méprenait à ce signe ; en lui, la passion n’était pas mûre ; mais Edmée, plus précoce ou plus concentrée, avait conscience de ce qui se passait au fond de son cœur.

M. Schwartz augmentait le cercle de ses affaires et gagnait un argent énorme. Le changement de la baronne à l’égard de Michel ne lui avait point échappé. Il cherchait à ses heures le joint où viser un grand coup.