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Le lendemain, la baronne alla visiter le château de Boisrenaud que son mari voulait acheter, et prit pour s’y rendre la voiture du Plat-d’Étain comme une petite bourgeoise.

Elle vit cette créature, Trois-Pattes, et il lui sembla que ce mendiant inconnu l’enveloppait d’un long regard.

La baronne Schwartz n’avait pas de confident ; la merveilleuse beauté de ses traits laissait rarement sourdre le secret de sa pensée. Son visage était de marbre.

Le château de Boisrenaud fut acheté.

Puis, dans la maison Schwartz, la vie commune reprit son cours paisible. Tout marcha comme devant, au dedans comme au dehors, à ce point que Domergue se demanda s’il avait rêvé marque ou médaillon. L’histoire ne dit même pas si la démission de Mlle Mirabel fut exigée.

Dans cette maison, il y avait pourtant un élément nouveau : la passion y venait de naître, le drame aussi par conséquent.

Le premier résultat de la visite nocturne rendue par la baronne au protégé de son mari paraîtra inattendu : ce fut la réception à l’hôtel d’une jeune femme adorablement belle, mais qui n’avait pas les sympathies de la baronne : la comtesse Corona, sa compatriote et un peu son alliée par ce vénérable vieillard, le colonel Bozzo-Corona.

La comtesse et la baronne se rapprochèrent avec une sorte d’empressement diplomatique. Vous eussiez dit deux puissances qui mutuellement se surveillent.

La comtesse, beaucoup plus jeune que la baronne, épanouissait une beauté hardie, étrange, et que les connaisseurs rapportaient au type corse. Ses grands yeux au regard brûlant et profond avaient une réputa-