Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome I.djvu/406

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quand elle reprit le flambeau, un long soupir souleva sa poitrine, et sur le seuil elle se retourna pour contempler encore une fois, au travers de deux grosses larmes, le sourire du beau jeune homme endormi.

Quand elle rentra dans son appartement, elle était anéantie ; une pensée grave semblait entièrement l’absorber. Domergue lui trouva une apparence de calme, mais il vit bien, quand elle s’assit, que la fatigue la brisait. Il se disait en lui-même :

« Si on peut se faire du mal comme ça pour une affaire d’avant le mariage ! M. le baron n’était pas une demoiselle… N’empêche pas que l’avenir du jeune homme est réglé, maintenant. Madame est la bonté même. On les établira tous les deux, Mlle Edmée et lui… Quel mignon petit ménage ! »

Cependant Mme Schwartz avait-elle découvert la fameuse marque ou le médaillon précieux des péripéties théâtrales ? Domergue ne put jamais savoir cela.

On l’envoya se coucher purement, simplement, comme si rien de dramatique ne se fût passé cette nuit.

Mme Schwartz resta debout jusqu’au jour. Parfois elle souriait et ses beaux yeux devenaient humides. À deux ou trois reprises le nom de la comtesse Corona vint expirer sur ses lèvres, uni à celui de Michel.

Évidemment, ce nom lui faisait peur.

Au moment où elle remettait l’aquarelle-miniature dans le tiroir de son secrétaire, on aurait pu l’entendre murmurer :

« Il aimera… Peut-être qu’il aime… »

Comme il faut en ce monde que tout ait un terme, même les permissions de dix heures, Mme Sicard, la camériste, revint au petit jour rapportant de chez sa marraine un loyal parfum de cigare.