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Il revint, faisant ce geste qui veut dire chut et prononça du bout des lèvres :

« Le sommeil du juste ! »

Mme Schwartz entra. Michel était étendu sur son lit, tête nue. Les boucles éparses de ses longs cheveux lui donnaient une beauté de femme ; c’était un cher enfant ; la vie follement dissipée qu’il menait fatiguait son visage sans effacer l’expression de vigoureuse candeur qui était le trait de sa physionomie.

Mme Schwartz se tenait derrière Domergue, qui levait le flambeau de façon à ce que la lumière tombât d’aplomb sur la figure du dormeur.

« À quoi verrez-vous la chose ? demanda-t-il. La lettre vous dit-elle qu’il a un médaillon, une marque ? »

Comme Mme Schwartz ne répondait point, Domergue se tourna vers elle et la vit si changée qu’il faillit lâcher le flambeau.

« Madame se trouve mal… » commença-t-il.

Elle l’interrompit d’un geste. Sa main désigna le flambeau, puis la porte. Domergue lui donna le flambeau et sortit.

Mme Schwartz resta seule avec Michel. Pendant quelques instants, elle demeura immobile et l’œil ardemment fixé sur ce front blanc, couronné de cheveux épars. Puis, tout à coup, sa paupière se baissa, comme si un effroi l’eût saisie.

Michel remua. Ses lèvres entr’ouvertes eurent un vague sourire. La baronne déposa le flambeau pour appuyer ses deux mains contre son cœur.

Puis elle prit sous le revers de sa robe l’aquarelle, le portrait du jeune homme aux couleurs effacées. Elle regarda tour à tour la peinture pâlie et le pâle visage du dormeur. On eût dit qu’elle était venue là pour établir cette comparaison.