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Un soupir contenu la ponctua qui valait tout un monologue. C’était bien elle, cette miniature. Le papillon étincelant regrettait peut-être sa modeste enveloppe de chrysalide. Mme Schwartz n’avait point de sœur.

Elle posa les deux portraits sur la tablette du secrétaire et prit dans la cassette une poignée de papiers dont le contact fit trembler sa main. C’étaient de ces papiers dont la physionomie ne trompe point, les papiers qu’on nomme papiers par excellence du haut en bas de l’échelle sociale : les vrais papiers, ceux qui racontent, historiens authentiques, la vie d’une créature humaine, résumée par ces trois actes principaux : la naissance, le mariage, la mort.

Il y avait un acte de naissance, un acte de mariage, un acte de décès.

Puis la main de Mme Schwartz plongea encore au fond du tiroir, et cette fois ramena un volumineux cahier couvert d’une écriture fine et serrée.

L’encre avait jauni aux feuilles fatiguées de ce manuscrit. Il datait de loin. On avait dû le lire bien souvent.

La première page, qui gardait des traces de larmes, commençait ainsi :

« 2 juillet 1825.

« Je t’ai promis de t’écrire souvent. J’ai passé quinze jours à me procurer une plume, de l’encre et du papier. Je suis au secret dans la prison de Caen. Quand je me tiens à bout de bras à l’appui de ma croisée, je puis voir le haut des arbres du grand cours et les peupliers qui bordent au loin les prairies de Louvigny. Tu aimais ces peupliers : ils me parlent de toi… »