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mes. C’est très joli. Cela devient épais, vulgaire ou hideux. Les femmes qui doivent éblouir à l’heure de la complète floraison n’ont jamais eu la beauté du diable. Tout procède ici-bas par mystérieuses compensations. La suprême beauté, très souvent, est le prix d’une incubation lente et pénible, comme si la nature employait toutes les années de l’adolescence à parfaire son chef-d’œuvre.

Ainsi s’envole au plus haut des airs, sous le grand soleil d’août, le splendide papillon, après sa double métamorphose. On se prenait à penser, devant ce pauvre portrait d’enfant aux couleurs effacées ; on voyait derrière lui comme au travers d’une brume jalouse le triomphant sourire de la femme épanouie. C’était Cendrillon dans la fumée du foyer, avant la visite de la fée.

La lampe était loin, là-bas, sur le marbre sanguin de la cheminée. Mme Schwartz, éclairée par derrière, cachait à demi son visage dans l’ombre. La lumière jouait dans les masses de ses admirables cheveux, et venait frapper en plein la miniature que le contraste faisait plus terne.

Elle regardait les deux aquarelles tour à tour avec une émotion profonde. Le souffle s’arrêtait dans sa poitrine. Aucune parole ne tomba de ses lèvres ; mais les lueurs obliques de la lampe allumèrent deux étincelles parmi l’ombre qui voilait son visage : c’étaient deux larmes ; elles tremblèrent avant de rouler lentement sur la pâleur de ses joues.

La pendule sonna onze heures. Le feu allait s’éteignant. Les bruits de la nuit parisienne murmuraient dans le tuyau de la cheminée.

La silencieuse contemplation de Mme Schwartz dura longtemps.