Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome I.djvu/40

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Que veut-il faire à sa caisse ?

— Façonner les clous, ciseler les boutons, dorer les moulures, bronzer les méplats, changer le meuble en bijou. Il est fou. »

Un léger bruit se fit dans le magasin. Ils écoutèrent tous deux, mais sans se déranger. Bien que la soirée fût déjà fort avancée, on entendait encore les promeneurs de la place.

« Est-ce que ça pourrait vraiment prendre un voleur ? demanda encore Julie.

— Je crois bien ! c’est un piège à loup ! M. Bancelle m’a montré le mécanisme en détail. Quand le système est armé, un collet mécanique sort au-dessus de la serrure, au premier tour de clef, de manière à saisir le bras du voleur. Les ressorts sont d’une grande puissance, et la chose joue à merveille. De telle sorte que si M. Bancelle, un jour qu’il sera pressé, oublie de désarmer la machine…

— Y a-t-il beaucoup d’argent dans la caisse ? interrompit la jeune femme curieusement.

— Toute son échéance du 31 et le prix de son château de la côte : plus de quatre cent mille francs. »

Un soupir passa entre les fraîches lèvres de Julie. André poursuivit :

« M. Bancelle le chante à tout le monde. On dirait qu’il a envie de tenter un voleur pour faire l’épreuve de sa caisse. Nous étions trois chez lui, ce soir ; il nous a montré ses billets de banque et nous a dit : « Cela se garde tout seul ; mon garçon de caisse m’a quitté, je ne songe même pas à le remplacer. Personne ne couche ici, personne. » Il a répété deux fois le mot.

— Plus de quatre cent mille francs ! murmura la belle Maynotte. Voilà des enfants qui seront riches ! »

Un nuage vint au front d’André.