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— Trois-Pattes ! » répéta la baronne.

Puis elle ajouta :

« J’irai visiter demain ce château de Boisrenaud.

— Quant à ça, reprit Domergue, toujours grave comme son uniforme, sur les trois pattes, il n’y en a que deux de vraies. L’autre est une brouette, et l’animal est comme qui dirait un attelage complet : cheval et voiture.

— Et comment a-t-il pu venir jusqu’ici, infirme comme il est ?

— Ah ! ah ! il a un équipage : un panier et un chien. C’est rusé, ces êtres-là ! seulement, il ne va pas si vite que le chemin de fer ! »

Domergue ne rit pas, mais sa physionomie exprima une vive satisfaction, causée par la conscience qu’il avait d’avoir édité un bon mot.

Mme Schwartz réfléchissait.

« Vous n’avez rien pu savoir ? demanda-t-elle après un silence.

— Rien, repartit Domergue. Il dit qu’un voyageur lui a donné la lettre dans la cour du Plat-d’Étain. C’est tout. Il ne connaît pas le voyageur. »

Il y eut un silence encore, puis Mme Schwartz reprit :

« C’est bien. Faites ce que je vous ai dit. »

Domergue se retira aussitôt.

Restée seule, Mme Schwartz prit dans son sein une lettre qu’elle tint entre ses doigts avant de l’ouvrir. C’était un pli de ce papier banal qui a pour estampille le mot Bath : papier de pauvre ; il n’avait point d’enveloppe et portait un cachet de cire grossière, frappé d’une empreinte fruste où l’on reconnaissait le gras profil que le roi Louis XVIII mettait sur les pièces de dix sous.