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Ce nom de femme, prononcé, le nom de la comtesse Corona trahissait-il le vrai sujet de sa rêverie ?

Elle tressaillit à un bruit de pas qui s’étouffait sur le tapis de la chambre voisine. Deux coups discrets furent frappés à sa porte et l’on entra sans attendre sa réponse. Ce fut M. Domergue qui entra. Il se tint debout à quelques pieds du seuil, dans une attitude calme et respectueuse. M. Domergue pouvait jouer le romanesque rôle de confident, mais il n’en avait pas la tournure.

« Vous venez tard, dit Mme Schwartz.

Mme Sicard est restée quarante-cinq minutes à sa toilette, » répliqua Domergue.

La baronne eut un demi-sourire et demanda :

« Où est-elle ?

— À Chaillot, » répliqua Domergue.

Mme Sicard avait plusieurs marraines, à moins que la marraine de Mme Sicard ne demeurât en divers quartiers. Quand elle allait voir sa marraine de Chaillot, la permission de dix heures se prolongeait jusqu’au lendemain matin.

La baronne fit signe à Domergue d’approcher.

« Parlez-moi de ce mendiant, dit-elle. Cela m’intéresse comme un conte de fée.

— Ce n’est pas un mendiant, répondit Domergue ; il travaille pour gagner sa vie. Quand je lui ai offert l’aumône de Madame, il a refusé. Il est fier, ce malheureux-là ! Il a dit : ma commission est payée.

— Je voudrais le voir… murmura la baronne.

— Si Monsieur achète le château de Boisrenaud, répliqua Domergue, Madame ne prendra pas souvent la voiture du Plat-d’Étain ; mais une fois n’est pas coutume, et quand on prend la voiture du Plat-d’Étain, on voit Trois-Pattes.