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rien n’y éclatait, nul rayon insolent n’y troublait l’harmonie de l’ensemble : tout y charmait.

Nous parlerons seulement, comme on pose un accessoire obligé au théâtre, d’un petit meuble de Boulle, véritable palais en miniature dont l’ébène, l’écaille, l’onyx, le porphyre et les pierres fines étaient les matériaux. Mme Schwartz avait acheté elle-même ce secrétaire, dont M. Schwartz connaissait à fond toutes les gentilles attrapes et tous les rusés secrets, sauf un seul.

Et nous vous disions bien que cette belle baronne avait quelque chose à cacher, puisque son mari, patient, tenace, exaspéré par la longue recherche et sachant mettre de côté toute vaine délicatesse, au besoin, quand il s’agissait de satisfaire une maîtresse fantaisie, essayait inutilement depuis des années d’ouvrir le tiroir du milieu, un tiroir caisse, entouré de malachites, avec un idéal bouquet de pensées que formaient seize améthystes mêlées à six topazes.

De ce tiroir, le triste M. Schwartz n’avait jamais pu entrevoir la clef.

Il y avait plus d’une heure déjà que Mme Schwartz était retirée dans son appartement. Son livre restait fermé, ses yeux demi-clos suivaient avec distraction les jeux de la flamme dans l’âtre. Son visage, à proprement parler, n’exprimait ni inquiétude ni peine, mais sa méditation semblait à chaque instant l’absorber davantage.

« La comtesse Corona ! murmura-t-elle une fois. Je ne sais pas si je hais cette femme ou si je l’aime. »

Machinalement et souvent, elle relevait les yeux vers la pendule pour suivre la marche de l’aiguille. Attendait-elle ? Et qui pouvait-elle attendre en ce lieu ? Elle était belle, plus belle qu’à l’ordinaire, en quelque sorte, belle d’une émotion latente et profonde.