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fermé : nul ne pouvait, en effet, épier ici les indiscrétions de sa physionomie, elle était sûre de cela. Trois portes la séparaient du corridor et d’épais rideaux tombaient au devant de ses croisées. Avait-elle un masque ? Le masque pouvait tomber.

Elle n’avait pas de masque, non ; le regard doux et distrait de ses grands yeux n’avait point changé, c’était toujours la même tête de madone, admirablement belle et pensive.

Qui eût osé, cependant, affirmer que Mme Schwartz n’avait rien à cacher ?

Sa retraite prenait pour motif la fatigue ; nulle trace de fatigue ne se montrait parmi la superbe pâleur de ses traits ; elle n’était pas malade ; aucun travail, aucun soin ne l’attirait ici. L’estomac ! disait le positif M. Schwartz. Mme Schwartz ne savait pas où était son estomac. Il est un motif plus précieux encore : le caprice ; mais Mme Schwartz, nous le verrons bien, était au-dessus du caprice.

Il y avait un peu trop d’or dans l’hôtel de M. le baron ; dès le temps de Midas, l’opulence tombait volontiers dans ces excès ; l’or s’impose à ses fervents et la fièvre des spéculateurs voit jaune, dirait-on, comme la colère voit rouge. Chez Mme Schwartz, rien ne trahissait la dévotion à l’or ; la richesse, ici, ne s’affirmait point brutalement ; elle offrait aux yeux, mais dans une mesure heureuse et sobre, les choses de goût et d’art. Au marché même, l’or, toujours maître et sans cesse vaincu, n’a pas le prix de ces splendides simplicités. C’était le réduit d’une grande dame.

Nous n’avons garde de décrire en détail l’ameublement de ce nid, somptueux à la façon des beautés pâles, où la galanterie de M. le baron s’était pliée, non sans protester, aux attraits d’un esprit supérieur ;