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tain. L’après-midi, elle mena Blanche au bois et fut d’une gaieté charmante. Elle regardait Blanche avec une sorte de ravissement, et Blanche, bien aimée qu’elle savait être, s’étonnait des chères caresses de ce regard. Le temps était couvert ; mais, sur le visage de Mme Schwartz, il y avait des rayons comme par le grand soleil.

Au dîner, elle devint rêveuse ; le soir la trouva triste ; elle se retira dans sa chambre de bonne heure.

« L’estomac ! » dit M. Schwartz.

La prose vulgaire a ses rêves comme la poésie. Et ne pensez-vous pas qu’un homme, parlant d’estomac à propos de ces adorables mélancolies, avait raison, au fond, d’être jaloux ?

En rentrant chez elle, Mme Schwartz fit tout de suite sa toilette de nuit et donna la permission de dix heures à Mme Sicard, sa camériste, qui mit son chapeau de satin mauve, sa robe noire et son châle boiteux pour rendre visite à sa marraine. Souvent la marraine de Mme Sicard porte avec fierté le vaillant uniforme de notre armée, mais n’approfondissons pas ces détails.

Mme Schwartz, restée seule, s’assit au coin du feu dans sa chambre à coucher, et prit un livre. Elle ne l’ouvrit point. Pour occuper les heures de sa solitude, elle avait assez de sa propre pensée.

C’est un livre aussi que le visage d’une femme, un livre clos parfois, quand elle devine l’œil perçant qui veut lire son âme, un livre ouvert à ces moments où nulle défiance ne la garde. Je parle, bien entendu, de celles qui ont quelque chose à cacher ; c’est la majorité immense, car, dans le monde où nous sommes, le bien a besoin souvent de se cacher comme le mal.

Le visage de Mme Schwartz n’était pas un livre