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Éliacin avait les cheveux, les cils et les sourcils d’un blond incolore, la peau rose, les épaules larges, les dents saines, les yeux à fleur de tête : c’était un fort Alsacien. Il faisait bien son ouvrage au bureau, et disait à la commissaire que Julie n’avait que la beauté du diable. On était assez content de lui.

En bas, dans l’arrière-boutique, ce fut un souper d’amoureux. Il y avait de l’enfant chez cet André, malgré la mâle expression de son visage. Il était heureux avec folie parfois, et quand il regardait sa femme, son adoré trésor, il avait peur de rêver.

Notez qu’il n’ignorait rien, quoiqu’il fît semblant de ne pas savoir. Il connaissait la cachette du jeu de cartes. Et quand passaient, sous les arbres du cours, les belles robes bouillonnées, les crêpes de Chine, les chapeaux de paille d’Italie, il sentait battre dans sa propre poitrine le petit cœur de la fille d’Ève. Oh ! il aimait bien, et son cœur à lui était d’un homme !

Mais Julie ne songeait plus à tout cela. Quand les yeux de son André se miraient dans les siens, elle ne savait qu’être heureuse et défier la félicité des reines. Je le répète, c’étaient deux amoureux. L’enfant jouait parmi leurs baisers, riante et douce créature qui était entre eux deux comme le sourire même de leur bonheur.

On causait de tout excepté d’amour, car les joies du ménage ne ressemblent point aux autres, et c’est le tort qu’elles ont peut-être ; l’amour emplit la maison sans rien dire, tant il est sûr de son fait ; il se sous-entend, il est insolent de confiance. La jeune femme demanda :

« Pourquoi es-tu resté si longtemps chez M. Bancelle ?

— Sa caisse ! répondit André. Toujours sa caisse ! Il en perdra l’esprit !