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Non. Du moins aucune de ces jolies choses n’était l’objet particulier de sa patente.

Que faisait-il donc ? Il gérait une agence.

Qu’est-ce qu’une agence ! Je suppose qu’il y a des agences qui se peuvent définir, en y mettant le soin et le temps. On fait ceci ou cela dans telle agence ; chez M. Lecoq, on faisait tout. Les gens bien informés, cependant, prétendaient que ce tout n’était qu’un prétexte pour couvrir une singulière industrie qui allait florissant sous le règne de Louis-Philippe : la petite police. Il y a tant de curieux ! La petite police, qui fut pratiquée à cette époque par un illustre coquin converti et fait ermite, était à la préfecture ce que sont les tripots clandestins aux maisons de jeu autorisées : elle attirait à la fois les timides et les trop hardis.

Des gens mieux informés encore allaient plus loin et disaient que ce commerce de petite police était lui-même un prétexte pour cacher… Mais où descendrions-nous, de prétexte en prétexte ? Le fait est que M. Lecoq avait de très belles relations et qu’il gagnait de l’argent tant qu’il voulait. Il prêtait en gentleman, refusant billets et lettres de change ; Michel lui dut jusqu’à dix mille écus que M. Schwartz paya sans broncher. Il cimentait çà et là quelque union entre personnes comme il faut ; il débrouillait des nœuds gordiens sans canif ni glaive ; il retrouvait les objets perdus sans magnétisme. Quatre pages de prospectus ne suffiraient pas à nombrer ses talents.

M. Lecoq était notoirement un sorcier. Le baron Schwartz ne s’avouait pas encore qu’il voulait employer la sorcellerie pour pénétrer le secret de sa femme, mais il y a des choses qu’on fait et qu’on ne s’avoue pas.

Ce sont même, généralement, ces choses-là qu’on fait le mieux.