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La conduite de Mme Schwartz, pour ses gens comme pour le monde, présentait un aspect tout uni. Elle ne sortait guère qu’en voiture, et la voiture d’une femme, c’est encore son chez soi ; elle ne voyait que les amis de son mari, et sa conduite, dans le sens vulgaire appliqué à ce mot, était à cent coudées au-dessus du soupçon.

Cependant, pour le monde, pour ses gens, pour son mari, Mme Schwartz dégageait je ne sais quelle impression fugitive et subtile, ce quelque chose de souverainement indéfinissable, cette vague effluve, ce parfum de la femme qui a un secret.

M. Schwartz, nous devons le dire, lui sut mauvais gré de sa froideur vis-à-vis du héros Michel. Il avait besoin qu’on épousât ses fantaisies, et il attribua l’indifférence de sa femme à ces fameuses préoccupations qui étaient peut-être sous clef dans le « tiroir du milieu. » Il commit beaucoup de petites scélératesses pour conquérir cette clef invisible et ne réussit point.

Par rapport à nos personnages, les choses allaient ainsi dans la maison Schwartz : Michel était à l’École du commerce, où il faisait de très rapides progrès. Edmée donnait des leçons de piano à Blanche, qui l’aimait comme une sœur aînée ; l’aisance entrait chez les Leber ; nul n’approchait de Mme Schwartz sans ressentir les effets de sa généreuse bonté. Edmée grandissait comme artiste. C’était une noble et charmante fille, et déjà, dans ses grands yeux d’un azur profond, il y avait l’âme d’une femme.

Michel s’était rencontré périodiquement avec elle une fois toutes les quinzaines, depuis l’aventure du fagot. Ils ne s’étaient jamais parlé seul à seule. Je crois que l’amour peut naître dans les cœurs enfants, et c’est une délicieuse chose que cette floraison lente du sentiment qui doit remplir la vie. Dans un poëme, j’essayerais de