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des macaques. C’est la vie et l’ornement du paysage. M. Schwartz, ayant ainsi fait ses farces, revenait en catimini aux genoux de Mme Schwartz.

Or, croyez-moi, nous marchons ici à un progrès véritable, et tout Paris, chroniqueurs en tête, aura eu cette gloire de moraliser finalement nos civilisations ; qu’il soit une fois établi d’une façon solide que l’amour conjugal est le fruit défendu, nous n’aurons plus que de bons ménages.

M. Schwartz, homme d’intelligence et d’expérience, sentait la supériorité de sa femme, au point de vue de la race et de l’instinct ; les admirations de mari s’égarent souvent, et M. Prudhomme est sujet à découvrir chez Mme Prudhomme des profils aristocratiques qui échappent au voisinage, mais M. Schwartz ne se trompait point : sa femme était une grande dame, indépendamment même de la fortune conquise et du titre de baronne, trop battant neuf. Les parures et les cachemires n’y faisaient rien, non plus les équipages. À pied, avec un châle de laine et une robe de percale, Mme Schwartz eût encore été une grande dame.

M. Schwartz l’aimait deux fois : d’amour et d’orgueil. Elle était en même temps son bonheur et le lustre de sa maison. Dans tout amour, l’analyse découvre beaucoup de choses et de curieuses choses. Il n’y a pas au monde deux amours semblables. M. Schwartz aimait passionnément à sa manière, et il était jaloux, bien qu’il eût confiance.

Le baron Schwartz était jaloux parce qu’il y avait en sa femme tout un côté qui lui échappait. Nous ne le donnons pas pour un grand homme, et pourtant il avait des petitesses de géant : il était curieux, fureteur, indiscret, violateur de menus mystères. Pour savoir mieux sa femme, il avait essayé d’apprendre par cœur l’ap-