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venteur : M. Schwartz prétendait, supérieur à Prométhée, non-seulement produire la vie, mais la grandir à des proportions surhumaines : il rêvait le banquier à vapeur.

Seule, Mme Schwartz, en ces premiers jours, ne montra à Michel qu’une souriante et calme bienveillance. Elle était fort loin, assurément, de contrecarrer les beaux projets de son mari, mais elle n’y participait point : elle avait sa fille.

Mme Schwartz était de ces femmes qu’on ne peut dessiner d’un trait, ni raconter d’un mot. Nous savons que sa beauté atteignait à la splendeur, et que son esprit valait son visage ; elle avait le cœur grand, les malheureux vous l’auraient dit ; ses goûts, ses instincts et aussi ses manières étaient fort supérieurs au monde qu’elle voyait, et cependant le niveau du monde qu’elle voyait s’élevait sans cesse, à mesure que l’importance financière de M. Schwartz montait aussi, tout en élargissant sa base. M. Schwartz l’admirait et l’adorait, quoiqu’il essayât de temps à autre, pour son honneur et son crédit, quelques fastueuses excursions en dehors du domaine conjugal. L’Opéra pose la Banque. Il faut un grain de vice. Dans notre belle France, dès qu’on dit de quelqu’un bon père, bon époux, cela sent l’épitaphe. Nous sommes le plus ravissant des peuples.

Don Juan n’était pas Alsacien de naissance ; les folies de M. Schwartz n’allaient pas très loin ; il établissait de temps en temps un compte-courant de galanteries avec une personne en position de le compromettre suffisamment, mais décemment ; tout le monde y gagnait, surtout le bijoutier. La portion de Paris qui s’appelle Tout-Paris dans les articles délicieux des chroniqueurs en vogue supputait avec un naïf plaisir les diamants donnés, car Paris est la dernière forêt d’Europe où il y ait