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ron se mit en tête de faire de lui un homme, c’est-à-dire un banquier, et une partie de sa faveur nouvelle rejaillit sur les voisines de la mansarde.

Au premier aspect, il semble facile de faire du bien à des gens si pauvres que cela. C’était difficile pourtant : Mme Leber n’eût point accepté une aumône, si bien déguisée qu’elle fût ; mais il y avait Blanche. Edmée, à dix ans qu’elle avait, lui donna des leçons de piano.

Quant à Michel, qui n’était pas fier, on lui mit sur le corps des habits de petit monsieur, et on l’envoya à l’École du commerce.

Il n’avait pas encore parlé à Edmée ; mais Mme Leber, le rencontrant une fois dans l’escalier, l’avait embrassé à pleines joues en lui souhaitant du bonheur.

Michel avait trois amis chez les Schwartz : Domergue en première ligne, Blanche ensuite, en troisième lieu le baron. Le commun des mortels ne sait pas tout ce qu’il entre de caprice dans les déterminations des personnes très riches, surtout des personnes très enrichies. La satiété vient beaucoup plus vite qu’on ne pense, non pas la satiété dans l’acquisition, mais la satiété dans la jouissance. M. Schwartz avait un impérieux besoin d’amusettes, et Michel était pour lui un joujou de premier choix. Dès ce premier instant, l’idée naquit en lui de produire un chef-d’œuvre, de créer de toutes pièces le Napoléon des banquiers.

Il se regardait, lui, M. Schwartz, et non sans quelque raison, comme l’égal des Rothschild à peu près ; ce n’était pas assez. Étant accepté qu’un Rothschild est la plus grosse artillerie de la finance, M. Schwartz voulait perfectionner encore cette merveilleuse machine, rayer cet admirable canon et lui donner une portée décuple. Chaque idée a sa formule exacte dans l’esprit d’un in-