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L’enfant voulut monter sur ses genoux, elle le repoussa.

Ce fut l’affaire d’un instant, et cela valut au cher petit un redoublement de caresses. Mais elle l’avait repoussé.

Mais elle restait rêveuse.

Mais elle prit dans le tiroir de la table de bois blanc un jeu de cartes. Elle venait du Midi, cette splendide créature ; elle n’avait pas vingt ans.

Elle se fit les cartes ; il ne faut pas reculer devant les mots techniques. Le petit s’amusait à voir cela et restait sage. À mesure qu’elle se faisait les cartes, la figure admirablement correcte et intelligente de la jeune femme s’animait ; il y avait de la passion, maintenant, sous sa beauté ; elle suivait d’un œil brillant et avide les évolutions de son jeu, et parfois des paroles involontaires venaient jusqu’à ses lèvres.

« Tu seras riche ! » dit-elle à l’enfant avec un geste violent qui le fit tressaillir.

Puis elle laissa tomber sa tête entre ses mains, — puis encore elle rassembla les cartes et les remit dans leur cachette en murmurant :

« Elles ne disent pas quand ! »

André rentra vers la brune. Les promeneurs devenaient plus rares au dehors. Le commissaire de police venait de partir pour le cirque, laissant sa femme avec Éliacin Schwartz. Éliacin était l’Alsacien qui avait pris les devants sur notre J.-B. Schwartz. Sans Éliacin, notre J.-B. Schwartz eût été accepté peut-être dans les bureaux du commissaire de police. Aussi, plus tard, J.-B. Schwartz, devenu millionnaire, — car il devint millionnaire et plutôt dix fois qu’une, — fit une position à cet Éliacin, auteur indirect de sa fortune.

La meilleure chance est souvent de perdre les petites parties.