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en définitive, et M. Domergue savait toutes ses chansons.

D’autres philosophes, il est vrai, enseignent que l’âme s’améliore et se fortifie dans ce mystérieux et divin creuset qu’on nomme la souffrance ; mais de quoi diable allons-nous parler ! Prenons franchement les almanachs de Béranger : c’est le plaisir qui rend l’âme bonne. Gavarni, qui a bien plus d’esprit que Béranger, a traduit ainsi tout net l’apophtegme de la lyre nationale : « Tous les vrais apôtres dansent le cancan au bal masqué de l’Opéra. »

Avoir des millions est un incontestable plaisir ; être baron depuis un mois peut passer aussi pour une volupté très grande. Comme M. le baron n’était pas méchant le moins du monde, naturellement, comme Mme la baronne, chère et charmante femme, n’avait que de bienveillants instincts, un vent de mansuétude et de miséricorde soufflait chez eux. Il leur semblait que l’univers entier devait sourire à leur gloire, et le bataillon des flatteurs, qui ne manque à aucune prospérité, faisait ses orges grassement à l’hôtel.

Tout ce que je reproche à Béranger, qui n’y regardait pas de si près, c’est d’avoir employé ce gros mot, âme, pour caractériser la bonne humeur des estomacs qui digèrent bien ou des caisses qui réussissent.

La maison Schwartz était tout uniment de bonne humeur. L’âme est là dedans pour peu de chose.

Michel arriva au salon l’oreille dans la main de Domergue. Domergue ayant obtenu la permission de parler, mit dans son récit toute l’éloquence que la nature lui avait départie. C’était ici le second volume de l’histoire du fagot si favorablement accueillie quinze jours auparavant. On constata que le petit poêle de fonte n’avait même pas été allumé. Michel fut lion ; M. le ba-