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des fortes gelées. La mère et la fille s’étonnèrent bien quelquefois de trouver, chaque soir, la température adoucie, et plus d’une fois aussi le foyer plein de cendres faillit trahir la coupable intrusion du voisin ; mais l’esprit ne va jamais vers l’impossible. Comment croire, comment soupçonner même ? Michel, dont le poêle vierge n’avait pas brûlé une allumette, s’enhardissait et arrivait à formuler en lui-même des réponses aussi sensées qu’honorables pour le cas où la bonne dame, s’éveillant en sursaut, surprendrait son flagrant délit. Mais vous savez le sort des réponses préparées : elles bâillonnent les questions.

Un soir que Michel, agenouillé devant la cheminée, soufflait à pleins poumons le feu rétif, un grand cri le releva terrifié. Mme Leber, hélas ! plus effrayée que lui, était déjà dans le corridor et criait au voleur de toute sa force. Émeute de voisins, remue ménage général, scandale ! Il y eut des gardes nationaux qui vinrent avec leurs fusils. Michel, appréhendé au corps, n’avait plus de parole ; on allait le conduire en prison, lorsque Edmée, rentrant à l’improviste, devina l’énigme en voyant le bon feu qui brûlait dans la cheminée.

« Mère, dit-elle, c’est la fée ! »

La fée, vous comprenez bien ? La douce chaleur qui pénétrait, le soir, dans la mansarde, le farfadet bienfaisant qui empêchait les gracieux doigts de rougir en tourmentant le froid ivoire, Edmée avait deviné : Michel était tout cela.

Mais c’était elle, bien plutôt, Edmée Leber qui était la fée. Ce simple mot fut un coup de baguette ; les écailles, accumulées par la peur sur les yeux de la digne dame, tombèrent. Qu’avait-elle vu en s’éveillant ? un enfant agenouillé près du foyer où le feu flambait maintenant. Elle s’élança, elle arracha Michel à ses