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radieuse Mme Schwartz lui eût inspiré moins d’effroi : au moins elle était riche.

Vous eussiez pris Michel pour un malfaiteur précoce, la première fois que, profitant du sommeil de la mère d’Edmée, il tourna sans bruit la clef dans la serrure. On ne sait pas comment s’accomplissent ces actes de courage ; Michel, quand la porte s’ouvrit, criant un peu sur ses gonds, se sentit défaillir. Il avança pourtant. Le foyer froid avait comme d’habitude deux tisons disjoints qui se consumaient lentement ; Michel jeta dessus une poignée du fagot, de son fagot, et par-dessus encore il mit quatre bons rondins, destinés à son poêle.

Et il se sauva, le coquin ! Par le pertuis, il vit l’incendie fumer, puis s’allumer. Mme Leber ne s’éveilla point au gai pétillement du fagot ; ce fut une splendide flambée, et Michel dansa un petit peu dans sa chambre, tant il avait le cœur léger. Quand Edmée rentra, tout était fini, et le foyer avait repris son aspect modeste ; mais elle dit :

« Il fait bon ici, mère. »

Michel ne dansa plus. Il s’assit sur le pied de son lit, étonné qu’il était d’avoir des larmes plein les yeux.

Et je ne sais pourquoi il mordit à l’étude, en ce temps-là, comme un furieux. Il avait, en vérité, l’idée d’être quelque chose.

La chambre des voisines était toute petite et gardait la chaleur acquise comme une boîte. Ce soir, sur le piano ragaillardi, les jolis doigts d’Edmée couraient aussi blancs que l’ivoire.

Quel rapport entre ces doigts mignons et la pensée ambitieuse qui vaguement germait dans l’âme de Michel ?

Les supercheries de Michel à l’endroit de ses voisines fleurirent pendant quinze grands jours : juste le temps