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cha droit devant lui dans Paris inconnu, pensant bien qu’il trouverait enfin une forêt. Maman Péchet l’avait envoyé souvent au bois ; il savait comment s’y prendre pour faire un bon fagot de branches mortes et il se disait : « Edmée n’aura plus froid. »

On peut marcher longtemps dans Paris sans trouver à ramasser gratis quoi que ce soit qui réchauffe, qui désaltère ou qui nourrisse : Michel, notre héros, dut s’avouer cela. Il alla pendant deux bonnes heures et c’étaient toujours des maisons. Il vit beaucoup de choses nouvelles, mais point de fagots, sinon chez les marchands. Au bout de deux heures, il trouva la barrière, et au-delà, des maisons encore, plus laides seulement et plus pauvres. Où donc était l’herbe ? Dieu soit loué ! voici une grande plaine blanche de neige ! La neige, c’était déjà une connaissance. Il aimait la neige en Normandie. Mais la forêt ? Loin, bien loin, des arbres moutonnaient à l’horizon. Michel sangla autour de ses reins la corde qu’il avait prise pour lier son fagot et hâta sa course.

Il atteignit ainsi, le vaillant petit homme, les bois de Montfermeil. Et quelle joie de voir enfin des chênes ! Quand le pâle soleil d’hiver descendit à l’horizon, Michel avait son fagot, un bon fagot, qu’il chargea sur ses épaules en chantant. Heureusement que le garde se chauffait les pieds dans sa loge.

Michel reprit le chemin de Paris. Il avait l’estomac creux, mais le cœur content. Sur l’air de quelque Noël normand qui jamais n’avait eu de si joyeuses paroles, il allait psalmodiant tout le long de la route : « Edmée n’aura plus froid ! Edmée n’aura plus froid ! » Les préposés de la barrière lui dirent qu’il avait bien là pour quinze sous de bois mort. Ils sont calomniés, ces hommes verdâtres ; Michel les trouva bonnes gens. Quinze