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rien jaillissaient de son cœur comme une chanson triomphale.

Une porte s’ouvrit tout à coup de l’autre côté de la cloison, et je ne sais quel rayon inonda la chambre ; tout s’y mit à sourire, même le deuil de la mère. Une blonde enfant, dont les cheveux libres s’épanouissaient comme une gloire autour de son front, s’élança joyeuse et jeta ses deux bras au cou de Mme Leber. Michel reconnut Edmée : il l’attendait ainsi ; seulement il ne l’avait pas souhaitée si jolie. Mme Leber cacha la lettre qui lui avait mouillé les yeux ; elle prit un ouvrage de couture, et la petite fille, Edmée n’avait que dix ans, s’assit au piano.

Michel oublia de descendre à l’office pour chercher son dîner ; la nuit seule l’arracha de son poste.

Je n’ai pas le temps de vous énumérer toutes les choses qu’il avait vues pendant les longues heures de cet espionnage coupable et charmant. Une seule importe à notre histoire. Il gelait à pierre fendre, je l’ai dit ; le foyer de Mme Leber avait deux maigres tisons qui allaient s’éteignant ; la mère frissonnait en poussant son aiguille ; les petits doigts d’Edmée étaient tout rouges sur la blancheur des touches d’ivoire.

« Elle a froid ! » se dit Michel avec une véritable horreur.

Lui qui se moquait du froid comme de la lune !

Elle avait froid ! Edmée, la chère enfant au front d’ange, couronné par cette auréole de cheveux blonds ! Elle avait froid, Mme Leber aussi ! Michel fut blessé au plus profond de l’âme et s’indigna. On brûlait tant de bois inutile chez les Schwartz ! Ce fut une nuit sans sommeil. Michel s’agita depuis le soir jusqu’au matin sur son dur matelas ; son esprit travailla. En se levant, il avait son plan fait. Au lieu d’aller à l’école, il mar-