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Le trou fait, il fut obligé de s’asseoir, tant le cœur lui battait ; il n’osait pas y mettre l’œil, et quand il prit enfin son courage à deux mains, vous eussiez dit qu’il allait commettre un crime.

Il ne vit rien d’abord, parce que son émotion l’aveuglait ; puis un mouvement qui se fit dessilla ses yeux, et il aperçut une femme en deuil au visage triste et doux. Un religieux respect le saisit, c’était la mère d’Edmée. Elle était assise auprès d’une table et tenait à la main une lettre ouverte. Ses paupières avaient des larmes. Michel sentit que ses yeux se mouillaient.

Mais ce n’était pas pour voir la mère d’Edmée qu’il avait percé la cloison. Où donc était Edmée ? La mère pleurait toute seule. Elle reprit la lettre déjà lue et la parcourut de nouveau. Michel commençait à être un savant ; la lettre relevée lui montrait son adresse ; il put laborieusement épeler : « À madame, madame Leber… »

Edmée Leber ! Où gît l’harmonie de certains accords ? Il se peut que vous trouviez tout simple et tout commun l’assemblage de ces quatre syllabes. Quand elles passèrent entre les lèvres de Michel, ce fut comme la musique d’un baiser.

Il y avait déjà deux ans que le petit paysan vivait seul dans la mansarde. Soyez sûrs, ce pauvre grand air qui circule dans les combles de vos maisons, ô généreux propriétaires ! entraîne avec soi la poésie. J’ai vu ces miracles de la végétation, les monstrueuses, les adorables orchidées s’élancer de la fente d’une poutre vermoulue. La vie s’émaille de ces contrastes ; la poésie est la fleur des greniers.

Il ne savait pas, notre héros Michel, combien il faut de pieds pour faire un vers. Qu’importe le vers à la poésie ? Mais ces quatre syllabes où nous ne voyons