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Il vint des dames de la noblesse et des dames de la haute fabrication, des dames officielles aussi, soit qu’elles ressortissent du ministère de l’intérieur, soit qu’elles relevassent du garde-des-sceaux. Caen est une capitale. Les dames qui servent l’État, transportant çà et là leurs ménages, selon les exigences de la patrie, aiment le séjour de Caen, où la société est agréable, l’air pur et la vie à bon compte. Telle présidente de chambre qui a maigri à Rennes ou à Angers, retrouve l’embonpoint au milieu de ces vertes prairies ; les préfètes s’y plaisent, les générales y font des économies.

Le croiriez-vous, cette belle Maynotte, cette madone de l’école italienne, fut un peu troublée par la promenade de ces dames ; elle mit fin brusquement à la toilette de son cher amour et ne donna plus qu’un regard distrait au souper d’André, son mari, qui chauffait sur le fourneau. Pourtant, elle aimait bien son André, l’époux le plus amant que vous puissiez rêver. C’était un mariage d’amour s’il en fut jamais au monde, — mais la belle Maynotte, cachée derrière la porte, se mit à regarder les robes de soie à bouillons et à volans, les crêpes de Chine aux lourdes broderies qui font à l’œil l’effet de cette crème onctueuse, honneur des meringues, les écharpes légères, les chapeaux de paille d’Italie, que sais-je ? Les cinquante, eussent-ils été cinq cents, n’auraient pas obtenu un coup d’œil ; mais la belle Julie soupirait en regardant les plumes et les fleurs.

Le pavé sonna sous des pas de chevaux. La belle Maynotte pâlit.

C’était une calèche découverte, corbeille balancée qui apportait tout un bouquet de marquises normandes, jolies comme des Parisiennes.

Julie ferma sa porte, s’assit et soupira.