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resta d’abord tout étonnée du résultat de ce voyage. Elle avait une jolie petite fille de six ans, et certes ce n’était pas pour aller acheter un enfant adoptif que M. Schwartz avait pris la diligence de Normandie. Michel fut reçu comme une graine de valet de chambre ; on le mit à l’école et au grenier.

Les fantaisies campagnardes ne tiennent pas à Paris, où l’art d’approcher les compagnies de perdrix devient inutile. Au bout de huit jours, Michel, à peu près oublié, ne reconnut plus qu’un seul maître et protecteur : le puissant Domergue, qui avait déjà sa livrée gris de fer.

M. Schwartz habitait alors un très bel appartement rue de Provence. On était en train de lui bâtir son premier hôtel. Domergue logea Michel dans une petite mansarde. C’était un très digne garçon que ce Domergue. Pendant deux ans, il demanda au moins une fois par mois à son protégé : « Quand est-ce que tu sauras lire ? » Michel regretta bien un peu le père Péchet.

Mais une occupation lui vint, juste au moment où des idées de fuir naissaient dans sa jeune cervelle.

Un soir, dans la mansarde voisine de la sienne, Michel entendit le son d’un piano. Il avait douze ans, et il devait se souvenir de ce fait toute sa vie. Il n’y avait qu’une cloison de planches entre lui et l’instrument. Pour la plupart de ceux qui me lisent, l’introduction de ce perfide engin eût été un motif de déroute, mais Michel écouta comme si les notes lui eussent parlé. Une voix amie s’élevait dans le silence de sa vie solitaire. Dès ce premier moment, il aima cet harmonieux sourire qui se glissait dans sa prison.

Il dormit peu cette nuit. Il se leva de bonne heure, ayant un but et un espoir. Aux arpèges et aux gammes, un frais babil d’enfant s’était mêlé ; Michel était certain déjà d’avoir une petite voisine. Une voix plus