Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome I.djvu/362

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quoi ! des remords ! Déjà des remords à propos de ce front de jeune fille que ses cheveux blonds, opulents, mais légers, couronnaient comme une gloire ! Des remords vis-à-vis de ce regard bleu, profond, candide, où se reflétaient tour à tour les joies et la mélancolie de l’ange ! Entendons-nous : les remords étaient à Michel et n’appartenaient qu’à lui.

La fière et douce enfant connaissait les larmes, mais son cœur appelait sans crainte le regard de Dieu.

Nous sommes dans la forêt de Paris. Notre vingtième année sait tout, et qui peut avoir tout appris sans rien regretter ? Michel, notre héros, n’était pas un ange, tant s’en faut, et tous ses rêves n’allaient pas à l’amour. Il aimait avec force, avec grandeur, car c’était une âme vaillante, un lion de ces halliers parisiens où tant de petits gibiers trottinent ; mais-il avait d’autres passions aussi, d’autres besoins, d’autres destins peut-être.

Vingt ans, l’âge précis où le bouton de l’adolescence fleurit pour s’appeler jeunesse, un visage grec aux lignes correctes et fermes, la pâleur des précoces, le regard des lutteurs qui dédaignent l’heure présente, sûrs qu’ils sont de l’avenir victorieux.

Une taille haute, un port noble et je ne sais quelle suprême éloquence narguant l’injure de la misère ; du charme, un charme exquis, pourrait-on dire, arrivant à des douceurs presque féminines, mais se heurtant à de soudaines duretés, comme s’il y avait eu deux âmes sous cette juvénile enveloppe ; de la loyauté mêlée à quelque défiance diplomatique ; une chaleur native, une réserve apprise : toutes ces nuances se croisaient en notre Michel, marque double et caractéristique de deux causes dont la première n’a qu’un nom : nature, mais dont la seconde, suivant les points de vue divers où l’on se place, peut s’appeler la chute ou la conquête.