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Trois personnes armées : une grosse femme, une poule mouillée et un garçon solide ; valeurs fin du mois, deux à trois millions. »

Ces notes avaient été prises dans les ténèbres. Malgré cette circonstance, et en dépit des cahots de la patache, l’écriture était large et lisible. On devinait là une superbe main d’expéditionnaire.

« Exact ! dit Cocotte. Avec l’empreinte et ça, on peut dire : Servez !… Combien aurons-nous là-dessus ?

— Un morceau de pain ! répondit Piquepuce qui serra son carnet.

— Et si nous vendions l’histoire au banquier ! »

Piquepuce tressaillit et lança tout autour de lui un regard de bête fauve. Un mot vint jusqu’à sa lèvre, mais il montra son cou d’un geste significatif et dit en se forçant à sourire :

« Ce ne serait pas délicat ! »

Ils tournaient l’angle de la rue Notre-Dame-de-Nazareth. Trois fiacres stationnaient le long du trottoir, en face de la seconde maison, qui est l’avant-dernière, selon l’ordre des numéros. C’est à la porte de cette maison qu’Edmée Leber avait été conduite, sur l’ordre de M. Bruneau, par nos deux amis Échalot et Similor.

« Il y a de la société chez le patron, » dit Cocotte sans s’arrêter.

Les deux premiers fiacres étaient vides. Par la portière fermée du troisième, l’œil perçant de Cocotte devina plutôt qu’il ne vit une figure de femme.

« La comtesse ! murmura-t-il. En voilà une qui travaille dur ! »

Piquepuce jouait admirablement l’homme qui n’a rien vu. Ils entrèrent tous deux, et Cocotte mit sa tête goguenarde au vasistas du concierge, en criant :