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jons, ma femme. As-tu vu quelle publicité j’ai faite dans la voiture ? Il faut être de son siècle. Tu peux compter que ces deux inconnus, le bavard et le muet, vont aller dire partout : « La maison Schwartz a un bijou de caissier. » C’est de la graine d’augmentation !

— Mais quelle chaleur, Adolphe ! soupira Céleste, renonçant sous le faix. Je n’en peux plus !

— C’est une bonne température pour le poisson, répondit M. Champion. J’irais comme cela jusqu’à Pontoise. »

À quelques pas de là, une scène fort immorale, mais assez gaie, avait lieu. Le voyageur taciturne, à qui Échalot avait donné le singulier nom de Piquepuce, était arrêté devant la devanture d’un liquoriste. Il avait retrouvé son mouchoir, sans doute ; du moins déployait-il avec complaisance un magnifique foulard tout neuf. Le beau parleur l’aborda, celui que notre Similor appelait M. Cocotte.

Tous deux étaient passablement couverts ; la toilette de Cocotte avait plus de brillant, celle de Piquepuce plus de sévérité. On pouvait prendre Cocotte pour un membre de la jeunesse dorée du boulevard du Crime ; Piquepuce ressemblait davantage à un troisième clerc d’avoué. Quant à leurs figures, les types s’effacent de plus en plus dans notre forêt parisienne, depuis que les maisons y ont remplacé les broussailles ; à chaque pas, nous rencontrons des visages qui embarrasseraient Lavatér lui-même. J’ai beau chercher, je ne vois plus d’auréole au front des saints, et j’ai connu des filous qui avaient l’air de notables commerçants.

Cocotte était joli garçon ; Piquepuce, moins agréable à voir, tournait au père noble.

« Combien donnes-tu là-dessus ? demanda Cocotte en