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la chose plus célèbre que le coffre-fort de M. Bancelle, à Caen, était l’exquise beauté de Julie Maynotte. Nous excusons volontiers le lecteur, à charge de revanche, en lui faisant observer toutefois qu’un écrivain soigneux ne confond pas ainsi divers ordres d’idées. Pour faire concurrence à la fameuse caisse du banquier, c’est un objet matériel qu’il faut, et nous avons parlé des Maynotte, parce que l’objet resplendissait à la montre de leur boutique.

L’objet était un brassard de Milan, ou pour parler mieux le langage technique, un gantelet plein, composé du gant, de la garniture du poignet, articulé, et du brassard ou fourreau d’acier, destiné à emboîter l’avant-bras jusqu’au-dessus du coude. La pièce entière, damasquinée, or et argent brûlés, clouée de rubis aux jointures et ciselée dans la vigoureuse manière des armuriers du quatorzième siècle, était une œuvre à la fois très apparente et très méritante, faite pour attirer le regard des profanes aussi bien que l’attention des connaisseurs.

Caen tout entier connaissait déjà le brassard qu’André Maynotte avait eu dans un lot de vieille ferraille, et qui, restauré par ses mains réellement habiles, trônait à sa montre depuis huit jours. L’opinion générale était que, dans la ville, on n’aurait pu trouver un amateur assez riche pour payer le prix d’une pareille rareté, tant à cause du travail que pour la valeur intrinsèque des métaux et des pierres fines qui contribuaient à son ornementation. Une fois lancé dans cette voie, le bavardage provincial peut aller on ne sait où. On chiffrait des sommes folles, et les mieux instruits affirmaient qu’André Maynotte allait faire le voyage de Paris pour vendre son brassard au roi, directeur honoraire du musée du Louvre.